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Retraite du PNC Air France, le sujet qui fâche « grave »

Parmi les sujets qui
agacent, les PNC et les PNC syndicalistes ont le choix. Augmentations
salariales, DDA refusés, résultats de négociations diverses, services sans
queue ni tête, sécurité, qualité de l’uniforme, PNT, catering, GP, sûreté,
autres syndicats, formation PNC, fiscalité, etc, …. Mais ce qui nous
fâche, va pas tarder à vraiment nous fâcher et nous fachera tout rouge à
coup sûr, c’est bien que le PNC se voit servir la petite note
de la privatisation
sous forme d’un recul de l’âge de
cessation d’activité de 55 ans à 65 ans.

Vous
trouverez ci-dessous notre courrier au Secrétaire d’Etat aux Transports et à
la Mer sur ce sujet.

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Cabinet du Secrétaire
d’Etat aux Transports et à la Mer
Monsieur Dominique David
Conseiller spécial
40 rue du Bac
75007 Paris

Roissy, le 12 février 2004


Monsieur le Conseiller,

Vous avez bien voulu nous recevoir le 29
janvier dernier en compagnie de Monsieur Delemotte, Conseiller Social, pour
évoquer les conséquences de la privatisation d’Air France pour
le Personnel Navigant Commercial.

Comme vous le savez
déjà, les salariés d’Air France sont soumis à des « statuts » et des
Règlements chargés d’appliquer ce statut. Notre organisation s’est longtemps
opposée à ce statut « octroyé », c’est pourquoi nous avons négocié et signé
une véritable convention collective PNC, contractualisant l’ensemble des
dispositions précédemment « réglementaires » dans un véritable Accord
Collectif. Cet accord date de 1999 et a été renouvelé le 1er janvier
2003 pour une période de 5 ans.

Cependant, il
existe un chapitre du Règlement du Personnel Navigant Commercial
que nous n’avons pu introduire dans cet accord, c’est celui de
l’âge de cessation d’activité
des PNC à 55 ans.
En effet, une telle clause « couperet » visant à interrompre l’activité des
salariés en fonction de leur âge ne peut être contractualisée.
Pourtant, c’est un point tout à fait essentiel pour les PNC d’Air France, et
pour notre organisation.

La loi du 9 avril 2003 stipule que
les dispositions du statut Air France continuent de s’appliquer jusqu’à leur
remplacement par des accords collectifs et ceci pour une durée maximale de
deux ans après la privatisation. Nous y voyons la volonté du législateur de
ne pas provoquer de rupture brutale pour les salariés avec la privatisation.

Mais ces deux années ne changeront rien à l’impossibilité
de transposer dans le champ contractuel l’âge de cessation de l’activité du
PNC. La conséquence immédiate de la privatisation d’Air France serait alors
un recul de cet âge de cessation d’activité de 55 ans à 65 ans

, ce qui ne manquera pas d’être considéré par notre organisation, et par tous
les PNC que nous représentons, comme un grand recul social et comme une
remise en cause inacceptable de nos conditions d’emploi, de la sécurité et
de la sûreté à bord des avions.

Une telle
remise en cause serait d’autant plus inacceptable que le PNC serait la seule
catégorie de personnels à être pénalisée par la privatisation d’Air France.

L’âge de cessation d’activité des PNC ne concerne aujourd’hui que les PNC
d’Air France. En effet, les compagnies aériennes susceptibles d’employer des
PNC de plus de 55 ans ont toutes été absorbées par Air France (UTA en 92 et
Air Inter en 97).

Auparavant, ce problème était résolu
individuellement par les compagnies qui proposaient aux PNC concernés un
licenciement avec une prime incitative. Les effectifs concernés étaient tels
que ces licenciements n’entraient pas dans la catégorie des licenciements
collectifs (il n’y avait que quelques dizaines de PNC concernées par an).
Aujourd’hui, la plupart des compagnies anciennes ont disparu (TAT, etc.) et le
turn-over de PNC dans les compagnies nouvelles est tel que les PNC qui
continuent à exercer leur profession au-delà de 55 ans sont très peu
nombreux. Pour autant, il nous semble essentiel que, sur ce point,
la réglementation soit homogène pour tous les PNC
quelle
que soit leur compagnie.

La situation particulière de l’emploi
dans notre secteur est un élément qui doit être pris en compte. Le transport
aérien français connaît depuis 2001 une crise sans précédent qui a envoyé
des centaines de PNC vers l’ANPE. Les chiffres de novembre 2003 sont
éloquents à cet égard puisque qu’ils indiquent un accroissement de 15 % sur
un an du nombre de PNC demandeurs d’emploi
disponibles immédiatement pour former un total de 2210 personnes
.
Il est indéniable que le maintien dans l’emploi de certains PNC
au-delà de 55 ans ne fera que repousser l’embauche de ces candidats. C’est
en considérant ce problème que la Commission Paritaire Nationale pour
l’Emploi des PN à décider d’attirer l’attention des Pouvoirs Publics sur
l’effet désastreux qu’aurait le recul de l’âge limite des pilotes sur
l’emploi PNT.

De plus, lors de notre entretien, nous avons
mis l’accent sur le fait que les PNC ont connu deux
transformations majeures
de leurs conditions d’emploi.
La première avec la déréglementation du début des années 80 et la dernière
avec le plan de redressement d’Air France en 1994 qui à travers
l’industrialisation des processus de production s’est traduit par
une intensification considérable des rythmes de travail du PNC
.
L’augmentation des « fréquences avions » ajoutée au fonctionnement en « hub
» a eu pour conséquence la diminution des temps d’escales,
l’augmentation du nombre d’heures de vol effectué et la diminution des repos

.
Cet ensemble nous fait dire qu’aucun PNC, d’aucune compagnie, n’a
jamais vécu ces rythmes de travail, dans toute l’histoire du transport
aérien. Il serait donc pour le moins paradoxal qu’au même moment où les PNC
connaissent cette intensification de leurs charges de travail, la
privatisation ait pour conséquence directe et automatique
l’allongement de 10 ans de leur carrière
.

Il
est important de prendre en considération le fait que la
mission principale du PNC
est d’assurer la sécurité
et la sûreté
à bord des avions de ligne.
Cette
mission essentielle consiste notamment en cas d’urgence, même si certaines
améliorations techniques ont avec le temps été effectuées, à manipuler des
matériels parfois très lourds et à agir pour canaliser la foule dans une
atmosphère raréfiée éventuellement enfumée et restant très mobile malgré un
environnement qui peut être hostile (forte inclinaison de l’avion, nécessité
d’avoir à utiliser haches et pieds-de-biche pour fracturer les cloisons,
panique des passagers, etc.).
Ces situations, qui sont le fondement
même de la présence des PNC à bord, nécessitent une excellente forme
physique, soit parce que le PNC est seul à bord sur petits porteurs soit
parce que les avions deviennent de plus en plus grands (A380 avec deux ponts
et plusieurs escaliers).
L’âge est un facteur qui dégrade
fortement la résistance
des individus à l’hypoxie et aux
efforts physiques en milieu dépressurisé (altitude cabine ± 2 500 m).
D’autre part, les PNC sont ceux qui doivent faire évacuer les passagers dans
les situations d’urgence telles que l’incendie ou l’amerrissage, et pour
cela l’âge est clairement un facteur pénalisant.
Jusqu’à une période récente, les équipages étaient constitués d’un nombre de
PNC allant au-delà du minimum réglementaire nécessaire pour assurer la
sécurité.

Aujourd’hui, la
recherche de productivité
pousse les compagnies à
réduire les compositions d’équipage
pour se
rapprocher, et même atteindre ces minima légaux. Ceci ne manque pas de poser
avec une plus grande acuité le problème de la nécessaire vigilance de
l’équipage pendant les phases de vol critiques. Les PNC étant moins
nombreux, cette vigilance et les vérifications croisées (cross-check)
indispensables deviennent très dépendantes de la fatigue et du stress
accumulé.

Dès lors, il devient primordial que chacun des
membres d’équipage soit à même d’exercer toutes ses missions avec
la meilleure aptitude physique
possible.
Les exigences des
passagers pour un transport aérien tout à fait sûr obligent les
transporteurs, les services de l’Etat et le législateur à considérer cette
question d’un âge limite pour ne pas se trouver dans une situation où, en
cas d’accident, un équipage constitué d’une majorité de sexagénaires devrait
faire évacuer les 400 passagers d’un 747. De la même façon qu’on n’envoie
pas un pompier de 65 ans en haut de la grande échelle, il est important que
les PNC ne se voient pas confier la sécurité
des passagers,
sans une limite d’âge à 55 ans
.

L’autre
aspect de notre profession qui va malheureusement devenir encore plus
important c’est la mission sûreté. Depuis le 11
septembre 2001 les responsabilités du PNC ont considérablement évolué.

Pour pouvoir faire face à ce nouveau type de terrorisme
les PNC reçoivent une formation ressemblant fort à de la « self-défense »
(techniques d’immobilisation d’un individu, passage de menottes, etc).
Sans oublier les plus de 3000 cas de passagers indisciplinés à bord
des avions Air France sur l’année 2003
. Dans un
environnement tel qu’une cabine d’avion, ces cas peuvent très rapidement
devenir très problématiques et pour y faire face le PNC doit certes savoir
faire preuve de psychologie, mais également d’une
grande énergie
, car ces cas peuvent rapidement se traduire par
des comportements violents (verbaux ou physiques) qui peuvent dégénérer en
réactions collectives du type « mouvement de foule ». Tout ceci doit être
placé dans le contexte d’un environnement géopolitique post 11 septembre
générateur de stress pour les passagers comme pour les équipages.


L’ensemble de ces éléments fait partie du métier de PNC

qui est un métier nomade, socialement difficile et physiquement très
agressif. Car sans jamais atteindre les limites légales
de chacun des critères de pénibilité la spécificité
du métier de PNC est de presque tous les cumuler
.

Les PNC travaillent en
altitude dans une atmosphère à hygrométrie nulle, ils travaillent de nuit,
ils sont soumis à d’incessants décalages horaires, ils subissent à longueur
d’année les rayonnements de haute altitude avec les conséquences que cela
entraîne sur la thyroïde, la pression partielle d’oxygène diminuée qui
provoque sous certains seuils l’hypoxie, ces seuils diminuant avec l’âge,
les variations de pression provoquent des otites barotraumatiques maintenant
reconnues comme maladies professionnelles, mais peuvent aussi provoquer des
maladies de décompression, dont la fréquence augmente avec l’âge des
navigants.

Ces critères de
pénibilité sont d’autant plus pénalisants que le PNC effectue des efforts
physiques soutenus à bord pendant plusieurs heures dans une cabine inclinée
(angle d’incidence permanent de l’avion de quelques degrés). Pris
séparément, chacun de ces critères ne permet peut-être pas de justifier d’un
âge de cessation d’activité des navigants à 55 ans,
mais leur cumul durant toute la carrière
rend le PNC moins apte
à exercer sa mission pour la sécurité des passagers et rend indispensable
une limite d’âge PNC à 55 ans.

Selon nous,
la décision politique de la privatisation de la compagnie Air France a été
prise sans en mesurer complètement les conséquences sociales pour les PNC

.
Nous ne saurions accepter que les salariés que nous représentons
subissent le préjudice du changement de statut de la Compagnie par un
allongement de leur carrière navigant.
Les PNC ne
pourraient qu’adopter une attitude de rejet vis-à-vis de la privatisation et
de ses conséquences sociales alors que des solutions existent
,
pour permettre de faire cesser l’activité en vol à 55 ans sans rompre pour
autant le contrat de travail des salariés.

La prochaine loi de
privatisation d’Air France pourrait offrir l’opportunité d’inscrire une
limite d’âge réglementaire dans le Code de l’Aviation Civile.

Nous restons, bien entendu, à votre disposition pour tout complément
d’information si vous l’estimez nécessaire.

Veuillez agréer, Monsieur
le Conseiller, l’expression de mes sentiments distingués.

Franck MIKULA
Vice
Président