Air France a beaucoup à gagner d’une alliance avec son concurrent
néerlandais KLM, notamment en termes de trafic et de réseau,
mais une fusion pure et simple des deux compagnies présenterait plus de
contraintes pour le transporteur français, estiment les spécialistes.
Une alliance des deux compagnies permettrait à Air France "une coopération
commerciale intéressante avec le hub (plate-forme de correspondances) dont
dispose KLM à Schipol", estime un analyste. "Cela permettrait d’accroître la
base de clientèle" d’Air France, donc son trafic, précise-t-il.
"Si elle parvient à persuader KLM de rejoindre l’alliance SkyTeam, nous
pourrions voir cet ensemble devenir le réseau aérien intercontinental
dominant en Europe", renchérit Nick van den Brul, analyste de BNP
Paribas Equities dans une note.
L’avantage qu’aurait Air France à
bénéficier d’un autre "hub", outre le fait que cela réduirait le risque
d’une saturation de la plate-forme de Roissy, est double, selon Didier
Bréchemier, responsable transport à KPMG Consulting-Syntegra.
D’une part, cela permettrait de générer des parts de marché supplémentaires,
et d’autre part cela dresserait des obstacles à l’arrivée de nouveaux
entrants, qu’ils s’agissent de compagnies classiques ou de compagnies à bas
coûts (low cost).
"N’avoir qu’un seul hub met les compagnies
aériennes dans une situation difficile à partir du moment où les low cost
commencent à leur faire perdre de la rentabilité sur les vols d’apport"
(vols acheminant les passagers jusqu’au hub), souligne-t-il.
D’un
point de vue opérationnel, une alliance avec KLM permettrait
également d’accroître la rentabilité de la compagnie française en réduisant
ses coûts.
"La baisse des charges va pouvoir se faire par
des gains sur les achats, notamment sur la maintenance, le pétrole, la
formation, les loyers d’avions".
Enfin, en s’alliant avec
KLM, Air France se donnerait la possibilité d’étoffer un réseau déjà solide
et équilibré. La compagnie française bénéficierait des acquis de KLM en Asie
(notamment via un accord avec Malaysian Airlines) et sur l’Atlantique Nord,
dit-il. Elle pourrait également améliorer sa desserte de l’Europe du Nord et
de l’Afrique de l’Est.
"Mais cette complémentarité est maximisée à
partir du moment où on sait faire jouer une stratégie de hub unique", nuance
M. Bréchemier: or "là, il y a en a deux".
La
difficile animation d’une double plate-forme – quoique déjà pratiquée par la
compagnie américaine Northwest à Détroit et Minneapolis – n’est pas le seul
obstacle à un rapprochement profond des deux sociétés.
Pour mettre en garde contre les dangers d’une fusion pure et simple des deux
groupes, les spécialistes citent pêle-mêle les différences de cultures entre
les deux compagnies, les obstacles réglementaires (droits de
trafic, système de protection du capital), l’arbitrage d’éventuelles
positions dominantes et la réaction des syndicats, dont l’influence serait
réduite par le rapprochement.
Pour l’ensemble de ces raisons,
une simple alliance, fut-elle appuyée sur une "maîtrise capitalistique" de
KLM par Air France, serait beaucoup moins lourde, dans l’immédiat, estiment
la majorité des experts interrogés.
D’autant que "quand
on voit l’endettement net de KLM, environ 3 milliards d’euros, on peut
rester un peu sceptique quant à l’intérêt de consolider un tel niveau de
dette", conclut l’analyste ayant souhaité conserver l’anonymat.