Il n’y a plus de poursuites pénales possibles pour harcèlement sexuel
À la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a prononcé, le 4 mai, l’abrogation immédiate de l’article 222-33 du Code pénal, qui définit le délit de harcèlement sexuel. Un texte jugé insuffisamment précis quant aux éléments constitutifs de l’infraction.
Le 29 février dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une Question Prioritaire de Constitutionnalité portant sur les dispositions pénales punissant d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » (C. pén., art. 222-33). Le demandeur, contestant sa condamnation pour harcèlement sexuel sur trois employées municipales placées sous son autorité, faisait valoir que les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas suffisamment explicités par le texte litigieux.
Le Conseil constitutionnel lui a donné raison le 4 mai dernier et a abrogé l’article 222-33 du Code pénal à effet du 5 mai (date de publication de la décision au Journal officiel).
Depuis cette date et tant qu’une nouvelle loi n’aura pas été promulguée, aucune poursuite pénale pour harcèlement sexuel ne peut plus être intentée faute de fondement légal.
Faut-il pour autant considérer qu’il est possible dans l’intervalle d’harceler sexuellement en toute impunité ? La réponse doit être nuancée. Dans le cas extrême d’atteinte physique, les victimes pourront agir sur le fondement des dispositions réprimant les infractions d’agression sexuelle ou de viol (C. pén., art. 222-27 et 222-23). En outre, bien qu’elles soient elles aussi menacées, les dispositions du Code du travail interdisant le harcèlement sexuel demeurent en vigueur.
L’abrogation du texte prend effet immédiatement, dès la publication de la décision des Sages au JO, soit dès le 5 mai. Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé utile de la différer, alors que l’article 62 de la Constitution l’y autorisait. Elle s’applique donc à toutes les affaires en cours non jugées définitivement à la date de cette publication (c’est-à-dire à celles qui sont encore susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation). Ces affaires se termineront par un classement sans suite ou une décision de relaxe. En outre, aucune poursuite nouvelle ne peut plus être introduite tant qu’un nouveau texte d’incrimination n’aura pas été publié.
Il revient dès lors au pouvoir législatif d’adopter un nouveau texte définissant précisément les éléments de l’infraction de harcèlement sexuel.
Une particulière célérité serait souhaitable afin de ne pas laisser s’installer un vide juridique entraînant l’impunité de comportements inacceptables. En effet, un nouveau texte ne permettra pas de sanctionner des faits antérieurs à son entrée en vigueur, en application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Qu’en est-il de la définition du harcèlement sexuel du code du travail ?
Les dispositions de l’article L. 1153-1 du Code du travail, qui définissent le harcèlement sexuel comme « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers », sont extrêmement proches et tout aussi lapidaires que celles qui viennent d’être abrogées. Si elles ne sont pas visées par la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 4 mai, puisque la saisine portait uniquement sur l’article 222-33 du Code pénal, il y a fort à parier qu’elles subiraient le même sort si une Question Prioritaire de Constitutionnalité venait à être transmise les concernant. À moins que les Sages ne tiennent compte des nombreuses précisions apportées par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Les définitions pénales et civiles du harcèlement moral, plus précises en ce qu’elles exigent notamment une répétition des agissements et une dégradation des conditions de travail (C. pén., art. 222-33-2 ; C. trav., art. L. 1152-1), semblent en revanche bien à l’abri.
EXTRAIT DE L’ANALYSE FAITE PAR WK-RH LIAISONS SOCIALES
http://www.wk-rh.fr
Cette décision du Conseil Constitutionnelle est incompréhensible dans le sens où elle n’a pas laissé au législateur la possibilité de corriger la loi sans créer de vide juridique. Rien ne l’obligeait à agir ainsi, sauf à imaginer que d’autres préoccupations ont guidé les membres de ce Conseil. Le résultat est que les victimes qui attendaient un jugement vont voir leur harceleur aller et venir librement sans être inquiété, sauf à réussir à requalifier les faits de harcèlement en « agression » sexuelle.
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