LES ACTUALITÉS

Courrier au Ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire

stylo.jpg

Monsieur le Ministre d’État,

Depuis 2003, le conseil d’administration de la CRPN travaille à une réforme du régime de retraite complémentaire de l’ensemble des personnels navigants (30 000 cotisants, 15 000 retraités). A priori, cette réforme devrait avoir pour objectif d’améliorer les équilibres financiers sur le long terme pour assurer le service des pensions aux jeunes générations de navigants.Malheureusement, ce n’est pas ce qui ressort de la proposition de réforme envoyée à vos services à la suite au conseil d’administration du 24 janvier dernier.

courrier_Mr_Borloo_crpn.pdf télécharger


En septembre 2006, le Ministre des Transports a désigné un expert, monsieur Dominique Jean CHERTIER chargé de formaliser « un ensemble de propositions d’évolution qui devront être établies sur la base du plus large consensus possible », et celui-ci a rendu son rapport en janvier 2007.

Le 24 janvier 2008, un conseil d’administration extraordinaire de la CRPN s’est réuni pour voter le projet de réforme. Ce projet a été adopté d’une très courte majorité, très éloignée du consensus pourtant indispensable en la matière. En effet, sur 24 administrateurs, 12 seulement ont voté en faveur du projet de réforme : 6 administrateurs d’Air France, 3 administrateurs du SNPL, 2 administrateurs pilotes retraités d’Air France, 1 mécanicien navigant Air France. Les autres se sont abstenus (FNAM, Ministère de la Défense, Ministère des Transports), ou ont voté contre (les PNC, le SCARA, les pilotes des autres compagnies).

Au final, 12 voix pour, 8 voix contre, 4 abstentions.
 
Il s’agit d’une véritable fracture dans le monde des compagnies aériennes et des navigants. Air France contre toutes les autres compagnies et contre les navigants qui ne sont pas pilotes à Air France. Sur 30 000 cotisants, les pilotes d’Air France ne représentent pourtant qu’une poignée de 4 000 personnes. Il y a donc un véritable problème de représentations et de démocratie. Cette réforme ne peut se faire contre l’avis et au détriment des 20 000 PNC et des 6 000 pilotes non-Air France.
Sur la forme, nous nous devons d’observer que toutes les informations n’ont pas été données au conseil d’administration de la CRPN avant le vote du 24 janvier. En effet, les diverses simulations effectuées par l’actuaire indiquaient que cette réforme se traduirait par une augmentation très significative des pensions de retraite des pilotes d’Air France (environ 8 %), cependant que les pensions des autres navigants et des autres compagnies restaient identiques. Dans le même temps, les cotisations de tous les navigants augmentent de façon très importante pour pouvoir payer les augmentations de pensions de ceux qui sont déjà bien lotis (salaire moyen des pilotes d’Air France d’environ 5 plafonds sécurité sociale).

Si toutes les informations avaient été fournies au conseil, il nous est permis de penser que ce projet de réforme n’aurait pas été adopté en l’état.

Sur le fond, nous ne sommes pas opposés au principe d’une réforme de la CRPN. Le régime souffre d’un déficit structurel dû à un ratio cotisants/retraités qui se dégrade. Si l’on observe attentivement les rapports de charges par catégories, on constate que les cotisations des pilotes ne suffisent pas à assurer la charge des pensions de leur catégorie. En effet, le nombre de navigants travaillant dans les cockpits est passé progressivement de 5 à 2 ce qui fait qu’ils sont moins nombreux à cotiser pour les anciens navigants techniques aujourd’hui à la retraite. Ces évolutions se sont faites sans aucune compensation pour la CRPN. De plus, la croissance du transport aérien se mesure plus par la croissance de la taille des avions que par la croissance du nombre d’avions, donc avec une faible croissance des effectifs de pilotes.

Même s’il se dégrade, lui aussi, le rapport de charge des PNC reste supérieur à 1. Dans l’avenir, c’est bien la croissance du nombre de PNC qui permettra de retrouver un équilibre à la CRPN.

Cependant, ce sont ses réserves (environ 4 milliards d’euros) qui permettent à la CRPN d’équilibrer son bilan financier. Il y a donc nécessité de réformer le régime pour assurer la pérennité de la CRPN et le service des pensions pour les jeunes générations de navigants.


Le projet de réforme adopté le 24 janvier prévoit dans ses grandes lignes :

- Une modification progressive des conditions de liquidation.
- Une modification du taux d’appel des cotisations.
- Une modification des tranches de salaire servant au calcul des pensions.
- Une modification de la formule de calcul des pensions
- Une modification des conditions d’attribution de la majoration de pension.
- La création d’une pension minimum.
- Une clause de rendez-vous en 2018.
 


Trois points rendent cette réforme inacceptable et injuste :

Tranches de salaires et formule de calcul des pensions

Le rapport de monsieur CHERTIER préconisait de déplacer progressivement le plafond de la première tranche de salaire jusqu’à un niveau à déterminer. Nous sommes opposés à ce principe, car il se traduit directement par une amélioration des pensions des hauts revenus. Mais, s’il fallait faire un effort pour atteindre un consensus entre les différentes parties prenantes, nous aurions pu accepter un déplafonnement de 3,5 PSS à 4 PSS de façon progressive. Malheureusement, ce projet prévoit un déplafonnement jusqu’à 4,5 PSS.
Le point qui est totalement inacceptable et qui rend même le projet indécent, c’est la modification de la formule de calcul des pensions. Ce point n’avait pas été proposé par monsieur CHERTIER, ni même discuté avec lui. Ce n’est que peu de jours avant le conseil extraordinaire du 24 janvier que cette formule a été inventée par et pour les pilotes d’Air France.

Il est tout à fait impossible qu’une réforme qui se traduit par un allongement de la durée de carrière nécessaire pour bénéficier d’un taux plein et par une augmentation très sensible des cotisations, ce qui diminue le pouvoir d’achat des salariés les moins rémunérés, ait pour conséquence principale d’améliorer de près de 10 % les pensions des navigants qui ont les plus hauts revenus de la profession. Cela revient à prendre l’argent aux pauvres pour le donner aux riches !

De deux choses l’une, ou bien la CRPN va bien et la question est : « comment améliorer les pensions », ou bien la CRPN va mal et tout le monde doit faire des efforts.


Condition d’attribution de la majoration

La majoration de pension représente une part importante des ressources des retraités PNC (plus de 30 % de la pension moyenne PNC). Nous étions disposés à accepter de nouvelles conditions plus restrictives notamment pour les liquidations en temps alterné, mais ce projet a complètement supprimé la majoration avant 55 ans. Nous sommes opposés à une modification aussi brutale et aussi sévère des conditions d’attribution de la majoration. D’autant plus que cette remise en cause sert à dégager des ressources qui sont aussitôt dépensées pour améliorer les pensions des pilotes d’Air France.

Le point le plus pervers de ce dispositif est sans doute le nouveau financement de cette majoration qui remet en cause la solidarité entre les navigants. En effet, la précédente cotisation était précédemment assise sur la totalité du salaire sous 8 PSS, la nouvelle cotisation s’applique sous 1 PSS ce qui fait que les plus hauts revenus, tout en continuant à bénéficier de la majoration, ne participent plus à son financement que pour une partie infime de leur salaire. Ce mécanisme rompt l’unicité de la CRPN et met à mal le principe de solidarité qui doit prévaloir dans un régime de retraite par répartition.
 
La clause de rendez-vous

La CRPN a connu des réformes environ tous les 10 ans (1984, 1995, 2008). Cela montre bien que les équilibres qui permettent de construire un système de retraite sont instables et fragiles, particulièrement dans le transport aérien qui subit des cycles parfois violents.

Dans ce contexte, il ne nous semble pas absurde de régulièrement discuter des adaptations nécessaires pour trouver la bonne adéquation entre les ressources  de la CRPN et les règles de liquidation des droits des navigants.

Nous avons donc d’emblée indiqué que nous étions favorables à la création d’un rendez-vous obligatoire dans une dizaine d’années pour étudier les éventuelles adaptations à apporter au régime.

Cependant, la cause de rendez-vous proposée par le projet n’en est pas vraiment une puisque d’ores et déjà les évolutions postérieures à 2019 sont formalisées de façon rigide : augmentation du nombre d’anuitées nécessaire pour bénéficier d’une pension et augmentation du taux d’appel des cotisations. La meilleure preuve en est que les simulations présentées au conseil d’administration du 24 janvier intégraient déjà ces évolutions ! Sans doute pour ne pas montrer la dégradation des comptes consécutifs à l’augmentation des pensions des pilotes d’Air France…



En conclusion, si l’UNAC n’a jamais fait mystère de sa volonté de voir se mettre en place une réforme juste et raisonnable, améliorant la pérennité de la CRPN, nous avons toujours dit que cette réforme devrait se faire sur la base d’un consensus entre toutes les parties prenantes.

Malheureusement, après 5 ans d’études et de travaux, la réforme proposée est totalement inacceptable. Elle est injuste à un point qui en est caricatural : faire travailler et payer les pauvres pour le plus grand bénéfice des riches.

Il est inconcevable que votre Ministère puisse donner suite à ce projet en l’état. Nous sommes convaincus que vous aurez à cœur de le rendre socialement acceptable. Pour cela, nous restons à votre entière disposition.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.