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Intervention devant les PNC du Président SPINETTA le 30 juillet 2008

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INTERVENTION DU PRÉSIDENT SPINETTA DEVANT LES PNC DU 30/07/2008


Le transport aérien traverse une période difficile, une crise extrêmement lourde liée pour l’essentiel à une évolution brutale du prix du pétrole depuis le début 2008 avec des effets dans la durée pour le transport aérien et avec une obligation pour tous de s’adapter à cette nouvelle situation économique.

Il est essentiel d’ouvrir le dialogue avec toutes les professions de l’entreprise en les rencontrant en juillet et août pour leur dire ce qu’il est nécessaire que nous fassions.

Que se passe-t-il dans l’économie ?

Notre activité est essentiellement liée aux besoins des entreprises (hommes d’affaires) au service de l’économie, mais aussi pour satisfaire les besoins individuels.

Nous sommes en face de 3 crises très lourdes qui, conjuguant leurs effets, nous conduisent à une situation « extraordinairement » difficile. 
-Crise financière du système bancaire, la crise des subprimes sur les prêts hypothécaires qui en France, touche notamment le crédit agricole.
-Crise du dollar qui est la monnaie mondiale et qui reflète la faiblesse de l’économie américaine et qui déstabilise l’économie mondiale
-Crise inattendue du prix des matières premières dont le pétrole (+70 % par rapport à l’année dernière)

La crise qui nous concerne le plus directement est celle du pétrole.

Récemment à la réunion annuelle des compagnies IATA, le bilan consolidé des compagnies a fait ressortir une facture pétrolière des compagnies en 2007 de 136 milliards de dollars.
Sur la base du prix du pétrole au mois de juin 2008 (130 dollars le baril), la facture additionnelle serait de 99 milliards de dollars, soit 235 milliards.

Donc, une augmentation aussi brutale représente un défi considérable.

On peut le traduire de manière différente :
- En 97 le pétrole représentait entre 5 et 7 % de l’ensemble des coûts d’Air France
- En  2000, 14 %
- En 2007, 29 %
- En 2008, de 35 à 40 % sur la base actuelle du prix du pétrole.

Le pétrole est devenu de loin le 1er poste de dépense des compagnies aériennes

Par exemple, actuellement sur Air France, le coût du pétrole sur un vol très long-courrier type Tokyo, Pékin, peut représenter près de la moitié des coûts du vol.

IATA a annoncé des pertes de 7 milliards de dollars pour l’ensemble des compagnies (probablement plus, entre 15 et 25 milliards de dollars). Depuis début 2008, 25 compagnies ont fait faillite.

Il y a donc une révision totale de nos modèles économiques et TOUS les modèles économiques sont atteints sans exception (low cost, compagnies avec sièges business uniquement, etc.)

Il s’agit d’un véritable séisme pour notre métier, il faut que tous les salariés Air France le sachent bien. Il n’y a pas une seule compagnie aérienne au monde qui est ou serait rentable si elle paye ou payait le pétrole au prix du marché.

Les entreprises sont fortes lorsque les salariés sont au courant des défis qui sont devant nous. Nous devons donc nous préparer à une situation déjà difficile et qui le sera de plus en plus.

Quelques chiffres AF-KLM :
-L’an dernier, 6,4 milliards de dollars pour la facture pétrolière.
-Cette année, 9 milliards de dollars au prix actuel du baril
-10 milliards de dollars en 2009
-11 milliards de dollars en 2010
-12 milliards de dollars en 2012

Vous entendez souvent parler de couverture. AF-KLM est la compagnie qui a la meilleure couverture en Europe et peut être une des meilleures au monde.
 
(explication de ce qu’est une couverture pétrolière, c’est-à-dire l’achat à l’avance de pétrole à un prix donné auprès d’organismes bancaires spécialisés qui nous reversent la différence si le prix du pétrole a augmenté entre temps et auxquels nous reversons de l’argent si le prix du pétrole baisse)

Ces couvertures représentaient un avantage supérieur à 1 milliard de dollars l’année dernière et plus de 3 milliards de dollars cette année, idem pour l’année prochaine, plus que 2 milliards de dollars en 2010 et un peu moins de 1 milliard de dollars en 2011.

Cela veut bien dire que si nous n’avions pas de couverture, nous perdrions au moins 1 milliard de dollars cette année et c’est seulement grâce à cela que nous dégageons des bénéfices.

Nous serions donc en perte dès cette année si nous payions le pétrole au prix du marché.

Nous sommes donc très profondément touchés par cette crise.

Les chiffres pour Air France sont proportionnels à ceux d’Air France KLM.

Le pire dans une entreprise est de se faire des illusions :

- De penser que le prix du pétrole est exprimé en dollars et que, grâce à la force de l’euro, les effets de la crise sont minimisés. Cependant, toutes les monnaies mondiales étant liées au dollar, nos recettes à l’étranger sont moindres et annulent les effets d’un euro fort.

- La surcharge sur le prix des billets qui est une illusion, car en comparant le prix des billets, les clients se tournent vers la concurrence. Ainsi, Air France est obligé de réagir par une baisse de ses tarifs d’où un effet très atténué.

- Que le système des couvertures va durer éternellement, ce qui est faux, car, si le prix reste stable, on ne trouvera plus de couvertures en dessous du prix du marché. Ainsi actuellement, on ne trouve plus de couvertures en dessous de 125 dollars.En l’état actuel, elles cesseront progressivement d’être efficaces en 2013.

Que va-t-il se passer donc en face de cette situation tout à fait exceptionnelle ?
La 1ere réponse du secteur va être d’augmenter ses tarifs parce que nous n’avons pas le choix, et ce, malgré la baisse de la demande qui est constatée.
Nous devrions constater donc une demande stable, et non plus en augmentation dynamique comme sur les dernières années.
Nous devons donc ajuster notre offre et nos capacités d’où une révision de nos prévisions de rythme de croissance, 2 % par, an sur les 3 prochaines années au lieu des 4 % prévus.

Une croissance toujours positive donc, mais moindre.

Pourquoi rester avec une hypothèse positive ? Parce qu’AF a des atouts (plates-formes de correspondances) mais aussi parce que d’autres compagnies vont disparaître et ainsi nous devrions récupérer leurs flux de trafic.

Nous sommes donc toujours dans une logique de conquête de marchés et non de régression

Ce qui va dominer, c’est la souplesse, la réactivité, le pragmatisme, l’observation et l’ajustement aussi flexible et intelligent que possible.
Nous aurons donc des programmes très vite évolutifs dans les 3 années qui viennent.

Nous allons donc être obligés de faire de gros efforts en matière de réduction des coûts. Nous n’avons pas d’autres choix.
C’est une question de survie, car on ne peut pas être structurellement déficitaire.

Notre vrai rendez-vous est 2012-2013 au moment où, n’ayant plus de couvertures, nous payerons nous aussi le pétrole au prix du marché. Si à ce moment-là nos concurrents ont réduit leurs coûts mais pas nous, nous serons dans une situation EXTRAORDINAIREMENT difficile.

Pour l’instant, nos couvertures jouent comme une assurance, mais ne doivent pas faire illusion.

Aujourd’hui, je le dis, ça ne va pas bien !

Si nous ne faisons rien, les rendez-vous et les réveils de 2012 seront extrêmement pénibles pour toute l’entreprise et ses 70000 salariés.

Le programme Challenge 2010 a été récemment amplifié de 170 millions d’euros, soit aux alentours de 600 millions euros en tout d’objectifs de réduction des coûts.

Pour tous les métiers de l’entreprise (sauf PNC), il a été décidé un gel des embauches et nous allons travailler avec tous les métiers de l’entreprise sur des mesures structurelles d’économie nous permettant de faire les ajustements nécessaires à l’horizon 2012.

Je ne suis pas en train de vous dire que nous allons remettre en cause l’accord signé en avril 2008 , il s’appliquera intégralement, mais je suis en train de vous dire que si nous nous endormons avec l’idée qu’il n’y a rien à faire, l’entreprise aura un réveil extrêmement difficile en 2012

Réduire les coûts, c’est mille petites choses pour l’échéance 2012 ce qui nous permettra de gagner notre vie même si nous devons payer le pétrole très cher .

Donc du côté des coûts, une vigilance permanente et des efforts accrus pour tous les métiers de l’entreprise, sans exception.

Je l’ai dit aux secrétaires généraux des syndicats de l’entreprise, il s’agit là d’une bataille pour l’emploi. Ce qui est le pire pour l’emploi et pour les avantages, c’est lorsqu’on s’installe dans une forme de confort et qu’on attende que le mur soit là ; lorsque le mur est là, on le prend en pleine figure.

Je voudrais conclure en vous disant que nous allons vivre une période difficile qui a déjà commencé, mais qu’Air France a des atouts exceptionnels pour s’en sortir mieux que les autres avec flotte récente et économique, un taux d’endettement très faible.

Nous allons intensifier notre programme d’investissement. L’année dernière, nous avons dépensé 2,5 milliards d’investissement (les 2/3 pour la flotte) et nous envisageons de dépenser 3 milliards d’euros d’investissement sur 2009-2010.

Autres atouts : un réseau remarquable que nous avons constitué avec KLM, mais surtout une prestation remarquable de son personnel

Nous sommes extrêmement liés à l’économie mondiale, à la hausse comme à la baisse.

Nous allons assister à des choses surprenantes dans le transport aérien (alliances, faillites, etc.)

Ce n’est pas le déclin du transport aérien, il n’y a pas de remise en cause fondamentale, mais une crise importante que nous devrons passer comme en 2001.




LES QUESTIONS :





Question 1

À propos du baril à 200 $, est-ce une éventualité envisageable et quelles seraient les conséquences pour Air France ?

J.C.S. : La croissance de la demande mondiale ne va certainement pas fléchir, cette forte demande conjuguée à la volonté des pays producteurs de ne pas augmenter leurs capacités de production rendent le scénario d’un baril de pétrole à 200 $ tout à fait plausible.
Ce scénario aurait des conséquences désastreuses pour le transport aérien.
Air France, toutefois, grâce à la couverture pétrole, est une des compagnies aériennes les mieux armées pour faire face à une augmentation brutale du prix du pétrole et à la restructuration du transport aérien qui en découlerait.

Question 2

Quelle est la politique de renouvellement de la flotte d’AF face à cette crise du transport aérien ?

J.C.S. : La politique de renouvellement se poursuit.
Le retrait des 747 se fera progressivement entre maintenant et 2012, cargos inclus.
Le premier A380 sera livré en août 2009. Les suivants trop tard pour les inclure dans la saison d’été 2009.

Un exemple d’évolution d’exploitation que permettra l’A380 : sur Tokyo, 3 vols quotidiens seraient remplacés par 2 quotidiens en A380, ce qui permettrait d’accroître l’offre de 10 % tout en baissant les coûts d’exploitation.
Sur MC un programme de remplacement de 30 A320 est en cours. Le problème est qu’il n’y a pas de nouveaux modules proposés par les constructeurs qui pourraient abaisser significativement les coûts d’exploitation. De tels modules ne seraient disponibles qu’en 2017.

En fin d’année 2008, lorsque les spécifications techniques de l’A350 seront définitives, AF prévoit de lancer 2 appels d’offres auprès d’Airbus (A350) et Boeing (B787) pour remplacer les A330, A340 et 777-200.


Question 3

À propos de la politique d’allégement des avions quelles sont les perspectives ?
Est-ce qu’un allégement du service aux passagers est envisagé ?

Réponse de Monsieur Gourgeon : Les nouveaux sièges sont plus légers de 4 kg, les nouveaux gobelets plus légers de 3 gr. Les nouveaux trolleys sont plus légers de 7 kg et la prochaine génération sera plus légère encore de 6 kg.

J.C.S. : Un allégement du service aux passagers n’est pas envisagé. Une autre piste est la gestion plus rigoureuse des marges d’emport de carburant conjuguées à une optimisation des routes aériennes.

Ces mesures ont permis l’année dernière une économie de 5 900 tonnes de carburant, l’objectif pour cette année est de 28 500 Tonnes, l’objectif pour l’année prochaine est de 72 400 Tonnes soit une économie de 94 Millions de Dollars.


Question 4


À propos de la concurrence des compagnies du golfe ?

J.C.S. : Le problème avec ces compagnies, c’est qu’elles n’ont pas d’objectifs de rentabilité et qu’elles ont des ressources illimitées. Elles sont soutenues financièrement par les états et bénéficient de frais de transit aéroportuaire pratiquement nuls. Pour l’instant, les droits de trafic sont limités, mais dans ces négociations, les états concernés mettent souvent en balance les commandes d’appareils auprès d’Airbus.



Question 5

Un PNC : Qu’en est-il des alliances avec les compagnies américaines ?

J.C.S. : Nous avons eu beaucoup de chance que Delta fusionne avec Northwest.
De plus, depuis juin 2008 il est possible de travailler à 4 : AF-KLM-Delta-Northwest. En effet, avant on ne pouvait « discuter » qu’avec sa compagnie partenaire. Désormais, les 4 compagnies pourront travailler ensemble sur un système de tarification commun par exemple.


Question 6


Un PNC : Nous avons traversé la crise de 2001 avec vous en conservant les embauches ; allons nous traverser celle-ci avec vous également et dans les mêmes conditions ?

J.C.S. : Le président ne changera pas ! Les embauches sont bloquées dans tous les métiers d’AF sauf les PN. En revanche, il y aura des efforts à faire notamment en améliorant la productivité.


Question 7


Un PNC : Qu’en est- il des carburants alternatifs ?

J.C.S. : Bien sûr, nous travaillons dessus, mais ces carburants sont plus chers que le pétrole ! C’est envisageable dans une optique de réduction des émissions de carbone, mais pas de réduction des coûts.


Question 8


Un PNC : Qu’en est- il de l’association avec Veolia pour la prise de parts de marché sur le rail ?

J.C.S. : Le but de ce projet, c’est de garder le contact avec la clientèle nationale pour continuer de « rayonner » sur le long-courrier. Or le TGV fait beaucoup de mal à AF : fermeture de certaines lignes comme Avignon ou Rennes. À titre d’exemple, nous transportons 250 000 passagers sur Lyon et sans le TGV nous en transporterions 6 millions !
Il est tout d’abord prévu une ouverture partielle du réseau ferré en 2010 (en cabotage) puis une ouverture totale aux alentours de 2015/2016. On a fait appel à Veolia pour leur expertise en la matière ; nous apporterons notre connaissance des passagers.


Question 9


Un PNC : D’après un article de journal, les personnels sol et commerciaux de Lufthansa vont être augmenté de 6 % ; comment est-ce possible dans le contexte actuel ?

J.C.S. : Lufthansa a traversé une période difficile de 2000 à 2006 durant laquelle ils ont subi des blocages de salaires alors que les salariés d’AF ont vu leur salaire évoluer normalement durant cette période.

Les accords signés en mai seront respectés, mais on devra reparler de certains sujets. Il y a notamment un problème de comportements individuels. L’absentéisme est mauvais pour l’entreprise ; le contrat demande une forme de morale individuelle.


Question 10

Un PNC : Qu’en est-il de la suppression du décret imposant une cessation d’activité à 55 ans ?

J.C.S. : une majorité d’entre vous est d’accord avec ce décret alors qu’une minorité s’y oppose et c’est elle qu’on entend. Il faut réagir, car, si la limite d’âge tombe, il n’y aura plus de défiscalisation de la prime de départ et l’entreprise n’a pas les moyens de prendre le relais entre 55 et 60 ans….