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OUVERTURE DE TRIPOLI : L’AMNESIE D’AIR FRANCE

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« Les raisons de s’indigner peuvent paraître aujourd’hui moins nettes ou le monde trop complexe. (…) Mais dans ce monde, il y a des choses insupportables. »

Stéphane HESSEL

Contrairement à notre Entreprise, nous n’oublions pas.

Nous ne cautérisons pas les plaies de notre profession dans la seule perspective de profits. Nous ne tolérons, ni l’impunité, ni le renoncement à nos valeurs, même au nom de soi-disant intérêts supérieurs dictés par le commerce.


Retourner ainsi, au mois d’avril prochain, dans la Libye du Colonel Kadhafi, c’est oublier…


Georges, Jean-Pierre, Alain, Jean-Pierre, Michèle, Laurence, Alain, Martine, Anne, Nicole, Ethery, Gaël, Véronique et Jean-Pierre.


Ils avaient de 28 à 46 ans. Leur quotidien était le nôtre. Leur enthousiasme vis-à-vis de leur métier ressemblait au nôtre. Leurs préoccupations de chaque jour étaient les nôtres.


Ils ont été pulvérisés en plein vol avec leurs 156 passagers, le 19 septembre1989 sur ordre du Colonel Kadhafi, toujours à la tête du pays depuis.


L’enquête du juge Jean-Louis Bruguière a permis d’identifier la responsabilité de six ressortissants libyens, hauts fonctionnaires des services secrets et de la diplomatie libyenne, directement impliqués dans l’attentat.

En 1999 la Cour d’Assises spéciale de Paris a condamné par contumace les six accusés. Un mandat d’arrêt international a été lancé à leur encontre.

Une plainte a été déposée contre le Colonel Kadhafi le 15 juin 1999, par S.O.S. Attentats, mais cette demande a été rejetée par la Cour de cassation au motif que la coutume internationale interdit de poursuivre un dirigeant d’État en exercice, quelle que soit la gravité du crime commis.

Fin 2003, la Libye reconnaîtra formellement sa responsabilité pour les activités des fonctionnaires libyens concernant les deux attentats du DC-10 d’UTA et de Lockerbie (Pan-Am), en Ecosse le 21 dec. 88.

Aujourd’hui, la gouvernance de ce pays n’a pas changé. La Lybie est toujours gouvernée par les commanditaires de ce crime contre l’humanité.


Pour commémorer les 20 ans de ce drame, le 19 septembre 2009, Air France a désiré offrir aux familles des victimes la création d´une œuvre musicale, le Requiem UT 772.


Depuis, … la mémoire de la Compagnie a flanché. Pourtant nos directeurs le savent bien, le déni de l’histoire fait le lit des plus grandes tragédies.


Air France entend reprendre les dessertes de Tripoli dès le mois d’avril… Mais elle n’entend pas nos avertissements, notre indignation.

Elle se contente de dérouler le processus de démarrage de la ligne, affichant les rotations, envisageant déjà des tests hébergement. La Compagnie serait-elle sourde en plus d’être amnésique ? La Mémoire aurait-elle fait place au mépris ?

Notre rejet de cette desserte ne trouve pas son fondement dans une quelconque carence en matière de sûreté
à l’escale de Tripoli. Nous n’en savons rien pour le moment, mais nous sommes convaincus que la Compagnie saura mettre en oeuvre des mesures de haut niveau… au moins au début.

Notre rejet de cette desserte ne trouve pas son fondement dans le fait que le pays est dirigé par un tyran. À ce compte-là, si nous n’acceptions d’aller que dans des démocraties, nous devrions sans doute diviser le nombre de lignes d’AF par deux.

Plus qu’un choix entre le bien et le mal, ce que nous devons faire c’est un choix entre le supportable et l’inacceptable.

Avec l’ouverture par Air France de Tripoli, nous sommes face à l’intolérable !
Nous resterons intransigeants, les navigants forment une grande famille qui n’oublie jamais les siens.


Les arguments on les connaît : « tout cela, c’est de l’histoire ancienne… La Libye a bien changé… et puis, qui se souvient de cet équipage, de ces passagers ? Il faut être pragmatique et envisager les perspectives économiques de cette reprise des dessertes… les nouveaux contrats… l’argent libyen dont nous avons besoin pour la croissance… »

Non, la Libye n’a pas changé, ses dirigeants sont toujours les mêmes que ceux qui ont pris la vie de nos collègues et des 156 passagers du DC10. Compter sur l’absolution ou l’oubli des PNC c’est faire injure à notre collectivité, à ses liens, à son esprit de corps, devoir de mémoire.


Les PN, tous les PN malgré leurs différences, parfois leurs désaccords, partagent des joies et des peines qui font qu’un équipage n’est pas un simple groupe de travail. Durant nos rotations, nos destins sont liés. Faire fi de cette réalité et oser penser que nous pouvons oublier le sort de nos camarades est une erreur qui confine à la faute. C’est également faire insulte à nos disparus.


Quant à l’aspect économique : la croissance de la recette unitaire sur le réseau africain n’est pas défendable à n’importe quel prix. Il faut avoir le courage de résister à la tentation de l’argent. La morale doit l’emporter faute de quoi réalisme commercial devient cupidité.


La Direction d’AF doit résister aux injonctions du Président de la République qui a promis de normaliser les relations aériennes à Kadhafi en échange de la libération par Cecilia Sarkozy des infirmières bulgares le 24 juillet 2007.


Dans les jours à venir, nous risquons de voir apparaître le code TIP sur nos plannings.

Nous ne doutons pas que la seule vue du code IATA de Tripoli sur vos TDS puisse nous faire ressentir une déficience, une défaillance, de nature à nous faire croire que nous ne remplissons pas les conditions d’aptitude nécessaires à l’exercice de nos fonctions sur cette destination.

Au lieu de vous rendre à Tripoli, rendez visite au mémorial de lutte contre l’oubli, érigé par SOS ATTENTATS dans le jardin de l’Intendant de l’Hôtel National des Invalides.

Le tract en PDF