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SCOOT

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Selon FLIGHTGLOBAL et  AEROMORNING, Singapore Airlines aurait déposé le nom de sa future compagnie low cost long courrier en juin dernier :

Scoot – C’est le nom de la future low cost long-courrier de Singapore Airlines.

«Scoot»… Littéralement filez, fichez le camp ! Ou encore partez en coup de vent ! Tel est le nom retenu par Singapore Airlines pour sa nouvelle filiale qui prendra son envol en avril prochain. Une compagnie low cost, visant l’établissement d’un réseau long-courrier et dotée de Boeing 777-200 «densifiés», équipés de 400 sièges. Cette initiative étonne, intrigue, en même temps qu’elle crée un mouvement d’inquiétude dans la profession. En effet, si cette expérience est couronnée de succès, elle risque de bouleverser certains aspects fondamentaux du transport aérien.

Jusqu’à présent, en effet, le modèle économique low cost, imaginé à l’origine aux Etats-Unis, ensuite transposé en Europe puis dans d’autres parties du monde, n’avait pas été appliqué à des lignes longues ou de rares tentatives n’avaient pas abouti pour raison de difficultés insurmontables. Cette fois-ci, on tend l’oreille, sachant que SIA est une grande maison, qu’elle a construit sa réputation sur la qualité remarquable de son service à bord et qu’elle est ce qu’il est convenu d’appeler un transporteur haut de gamme. Or, la voici qui vise l’autre extrémité du marché, le «low fares, no-frills», c’est-à-dire les bas tarifs liés à un service minimal, qui plus est sur le long-courrier.

En cas de réussite, nombreuses seront les compagnies qui tenteront probablement de s’inspirer de ce précédent singapourien, au risque de cannibaliser leur propre marché traditionnel. Où qu’ils soient dans le monde, les voyageurs résistent rarement à l’appel des petits prix, clientèle d’affaires mise à part. Reste à savoir, et c’est loin d’être certain, s’il est possible de bâtir un modèle économique long-courrier solide sur des bases qui, à première vue, sont très fragiles.
Entre autres caractéristiques, le concept low cost repose en effet sur une utilisation intensive des avions, laquelle suppose notamment des demi-tours en escale très brefs, 25 minutes tout au plus. Moyennant quoi chaque avion peut assurer une rotation supplémentaire par jour et produire ainsi un supplément appréciable de sièges/kilomètres. A priori, cette règle n’est pas transposable à un réseau impliquant des vols d’une durée de 8 ou 10 heures, voire davantage. Dans l’hypothèse d’un seul demi-tour par 24 heures en bout de ligne, le gain de temps serait négligeable, sans même tenir compte de la durée d’un plein de carburant autrement longue pour un 777 que pour un A320 ou un 737. De plus, les aléas opérationnels et météorologiques propres aux lignes longues sont difficilement contrôlables et la notion de ponctualité peut facilement être mise à mal.

Pour l’instant, les Singapouriens ne donnent pas d’informations précises sur Scoot. Peut-être imaginent-ils des horaires glissants qui permettraient à leurs 777 de repartir pour une nouvelle rotation, par exemple deux heures après leur retour, et cela sans tenir compte de l’heure. Après tout, en échange de petits prix, une catégorie de passagers pourrait accepter d’embarquer à des heures indues ou d’arriver à destination au milieu de la nuit. Encore faudrait-il que les aéroports (et leurs riverains) acceptent les nuisances qui en résulteraient : les fuseaux horaires sont immuables, quels que soient les tarifs pratiqués !

En revanche, des 777 aménagés à 10 de front et l’absence de services à bord gratuits, un personnel navigant commercial minimal respectant tout au plus en nombre les normes de sécurité internationales, pourraient contribuer à contenir les coûts et permettre des résultats financiers convenables malgré des grilles tarifaires écrasées. C’est le pari des jeunes patrons de Scoot dans le cadre d’une initiative dont on parle beaucoup, ces jours-ci, alors que la marque vient à peine d’être déposée et que les premières destinations n’ont pas encore été dévoilées. Les premières lignes seront inaugurées au printemps prochain avec quatre 777 fournis par la maison-mère, dotés d’environ 70 sièges supplémentaires. Passagers de grande taille s’abstenir !

Air Asia X, SpiceJet, Indigo, Mango et beaucoup d’autres pourraient suivre la voie tracée par Singapore Airlines et, si tel était le cas, les bases économiques de pans entiers du transport aérien pourraient être profondément bouleversées. Qui plus est au départ d’Asie, c’est-à-dire dans une région du monde qui bénéficie d’un taux de croissance du trafic supérieur à la moyenne mondiale. De ce fait, ce pourrait être un vrai coup dur pour les acteurs du canal historique, les «legacy carriers», déjà confrontés aux low cost qui pillent leurs lignes courtes et à de nouveaux venus comme Emirates devenus maîtres dans le bon usage de la 6e liberté. Dès lors, Scoot ressemble fort à un cri de guerre.

Pierre Sparaco – AeroMorning


Source : http://www.aeromorning.com/